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Le blog de Gloria : Of War and Peace
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Artsakh : L'Exode 2

Artsakh : L'Exode 2

Crédit photo Gilles Bader - 29 septembre 2023

Crédit photo Gilles Bader - 29 septembre 2023

A ce jour, le 2 octobre 2023, environ un peu plus de 110 000 personnes déplacées de force ont rejoint la République d’Arménie. Le gouvernement arménien évite désormais le mot « Artsakh », et privilégie l’appellation de Haut-Karabakh. Mais l’afflux de ces Artsakhiotes ou Karabakhetsis est, réellement, une écharde dans le dos de Nikol Pashinyan tant à court terme qu’à moyen ou long terme.

Terrible ironie du sort : un groupe d'une dizaine d'observateurs mandatés par l'ONU sillonne l'Artsakh, guidés par les autorité azerbaidjanaises, afin de se rendre compte sur place des garanties apportées par Bakou à la sécurité des populations arméniennes sur place. Pas de chance, seuls subsistent sur place les animaux d'élevage que les Artsakhiotes n'ont pu emmener avec eux. Stepanakert est une ville fantôme. La grande place devant le Parlement, où se rassemblaient d'énormes manifestations pour protester contre le blocus il y a encore quelques semaines, est désormais vide et jonchée de détritus. 

Une dame raconte qu'elle avait initialement prévu de mettre le feu à sa maison. Mais elle a préféré, avant de partir, procéder à un ménage approfondi. Elle a laissé une lettre à ceux qui lui succèderaient, en leur précisant que cette maison avait été habitée par des familles honorables, et en leur demandant qu'il en soit toujours ainsi.

Sur le terrain – à Goris, mais aussi au point d’enregistrement de Vayk créé entretemps – la situation est difficile, car la population arménienne de 2 700 000 habitants s’accroît du jour au lendemain, de 12%. Mais les volontaires ont afflué eux aussi, pour pallier aux premières nécessités.

On voit des scènes à la fois terribles et inédites : d’increvables Volgas ou Ladas rescapées de l’ère soviétique, remplies de passagers et chargées de toute une vie, ou tout au moins de ce que l’on a pu emmener. On voit des Artsakhiotes descendre les virages de Latchin, dans des bennes ouvertes de camions. On assiste, sidéré, aux exploits d'un gamin de 12 ans, Aren, qui a pris le volant pour relayer ses parents sur cette route, pare-choc contre pare-choc, au ralenti, car le voyage dure désormais 30 heures, voire plus, sous  l'oeil de soldats azerbaidjanais. Chiens, perroquets, sont parfois aussi du voyage en même temps que des couvertures, matelas, chaises, peluches et grand-mères chargées d’ans. La doyenne, Amelia, a 103 ans et elle a vu naître l’Azerbaidjan.

Certains témoignages sont déchirants. Les journalistes internationaux, - certains découvrent soudain l’Arménie et l’Artsakh dont on ne parlait jamais, au grand jamais, interrogent de pauvres paysans, chassés de chez eux, témoins du pire. Déracinés, hébétés, ils ont besoin de raconter l’indicible. Ainsi, un monsieur de Verin Hoghatagh, région de Martakert, raconte, avec son accent si particulier des montagnes du Nagorno-Karabakh, que six hommes du village, qui ne pouvaient fuir en courant, ont été massacrés sous ses yeux, dont son propre frère. Une femme, ajoute-t-il, a été violée, mutilée et tuée. Ce quadragénaire au bonnet noir vissé sur la tête, visiblement usé par les travaux, les épreuves et les toutes récentes tribulations, baisse les yeux et essuie quelques larmes.

Je ne peux que trop bien imaginer, car je connais ces personnes, je connais chacun d’entre eux ou tout au moins leurs compatriotes des montagnes, que ce soit d’Arménie ou d’Artsakh. Je connais leur accent artsakhiote, parfois difficile à comprendre, je connais leur simplicité, leur caractère confiant et optimiste, je connais leur dignité et leur pudeur.

Et des questions affluent, lancinantes : pourquoi ne nous a-t-on pas écoutés il y a trois ans, il y a deux ans, et même il y a trois mois ou encore trois semaines ?

Ces récits, recueillis par BFMTV, oui, BFMTV, sont désormais légion. Comme le pressentait un ami arménien, il était prévisible que l’exode imminent des Artsakhiotes et son aspect spectaculaire voire tristement sensationnel, attirerait les journalistes du monde entier, ceux-là même qui ignoraient tout de la situation en Arménie, ou qui en  détournaient les yeux. Rappelons-nous qu’il y a trois ans encore, les télévisions ne voulaient pas du documentaire d’Anne-Laure Bonnel, Silence dans le Karabakh ! Le monde des médias - et donc le monde réel - détournait le regard de ces malheureux jeunes hommes brûlés au phosphore blanc qui gisaient sur leurs lits d'hôpital à Yerevan, ou de ces grands blessés dont l'un d'entre eux, grimaçant de douleur, avait dit à François-Xavier Bellamy les seuls mots français qu'il connaissait "Vive la France".

 

Ces trois derniers jours, les chaînes d’infos mainstream s’arrachent Hovhannes Gevorkyan, André Manukian, Franck Papazian et même Hasmik Tolmajian l’ambassadrice de la République d’Arménie en France.

On convoque les témoins incessants, et peu écoutés il y a encore un mois, de l’Arménie : Jean-Christophe Buisson, qui selon ses propres mots « criait dans le désert » (mais il n’était pas seul), Sylvain Tesson, Franz-Olivier Giesbert. On appelle à la rescousse les spécialistes en géopolitique du Caucase et du Moyen-Orient: Frédéric Encel, Jean-François Colosimo et d’autres encore, qui décryptent, analysent et surtout, en véritables témoins ou spécialistes, voire acteurs car descendants des rescapés du Génocide, savent faire barrage au narratif de l’AFP qui, selon l’expression d’un internaute, est « une base arrière de Radio Bakou ». Contrairement à l’ère Covid où les médecins de plateau occupaient le terrain, ou à la séquence Ukraine, hélas non achevée, où les Gamelin de plateau imposent leur vision, ou absence de vision, ceux qui connaissent le Sud Caucase et ont l’Arménie au cœur savent déjouer les interprétations distillées par l’Azerbaidjan et apporter des explications cohérentes et généralement exactes aux présentateurs de journaux et aux télespectateurs souvent peu au fait du plus ancien conflit gelé aux confins de l’ex-URSS.

 

L’Artsakh est en fuite, mais que faire d’autre, le couteau sous la gorge, quelles hypothétiques garanties auraient pu convaincre ces personnes affamées et épuisées psychologiquement de rester chez elles. Ce coeur battant et maintenant  brisé de l'Arménie est réellement une écharde dans le dos de Nikol Pashinyan. Le Premier Ministre arménien est contesté à cor et à cris pour ses propos récents parfois incohérents et incompréhensibles, et ses décisions hasardeuses. Son gouvernement fait face, à grand renforts d’ONG et de volontaires spontanés, à cet afflux imprévu d’une population sidérée, fragilisée et potentiellement hostile à sa personne car les Artsakhiotes, une fois remis de leurs terribles émotions, ne manqueront pas de lui savoir grief.

 

Ce sont d’ailleurs souvent des particuliers qui viennent en aide aux déplacés : volontaires qui tendent une bouteille d’eau, qui remettent un sac de vivres pour faire face, ou qui écoutent les récits glaçants de ceux qui souhaitent parler. Les familles établies en Arménie depuis 2020 accueillent leurs proches, mais d’autres ouvrent spontanément leurs maisons, quitte à se serrer pour faire de la place. Ainsi une dame âgée de Goris explique qu’elle héberge une famille de quatre personnes, car, seule dans son appartement, elle ne pouvait décemment les laisser dehors. « L’Arménie fait face », déclarait Mme Tolmajian sur France Info ce vendredi, et nul doute que, le premier choc passé, ce sera le cas.

 

L’avenir de l’Arménie est désormais en jeu. Erdogan n’a pas caché, en déclarant en 2020 qu’il voulait « finir le job » et en parlant du « reste de l’épée », que le conflit de 2020 et la guerre-éclair des 19-20 septembre 2023 et l’exode sont la seconde étape du Génocide de 1915. « Nous allons les chasser comme des chiens », avait tonitrué Aliyev en octobre 2020. L’entrevue des deux hommes lundi dernier au Nakhitchevan atteste de leurs intentions. La plus longue frontière de l’Arménie est désormais arméno-azerbaidjanaise et, à l’Ouest, arméno-turque. Il sera aisé pour Bakou de mener une offensive au moment voulu sur le Tavush ou les villes frontalières sur le Lac Sevan, pour ensuite « négocier » une « paix » illusoire en échange du Syunik, privant ainsi l’Arménie de sa frontière avec l’Iran, mais ouvrant un boulevard panturc entre Mer Noire et Mer Caspienne et reliant le Nakhitchevan azerbaidjanais à sa mère-patrie.

Tatik Papik en deuil

Tatik Papik en deuil

Concernant le décryptage du conflit en cours, voici une vidéo de Bertrand Scholler, consultant en géopolitique, qui propose sa propre lecture de l’attitude récente de l’Arménie face à la Russie. On essaie, dit-il, de faire penser à l’Occident que la Russie n’a pas voulu aider l’Arménie malgré les traités d’assistance en vigueur entre les deux pays, sans toutefois souligner que le PM Pashinyan a fait le choix de l’Occident depuis 2018. On ne peut en effet contredire cette opinion, de nombreux exemples s’imposent, déjà mentionnés ici dans mes précédents articles. Pashinyan a, analyse Bertrand Scholler, trop écouté les sirènes occidentales, tout en se détournant de son protecteur historique la Russie, sans réaliser totalement que l'Occident n'irait pas au delà des mots.

La Russie, notent d’autres observateurs, non sans raison non plus, est accaparée par le conflit en Ukraine et, pour des raisons stratégiques, recherche la médiation de la Turquie, ce qui l’éloigne automatiquement de l’Arménie.

Je propose donc deux émissions de TV récentes et un podcast de France-Culture qui toutes, à leur manière, permettent de se faire une idée plus précise de ce qui se joue actuellement en Arménie, au détriment des Arméniens et des Artsakhiotes déracinés.

En vert rayé: les sept districts cédés par l'AZ en 1994. En jaune: l'Artsakh après guerre 2020

En vert rayé: les sept districts cédés par l'AZ en 1994. En jaune: l'Artsakh après guerre 2020

Enfin, il me paraît indispensable de clarifier, autant que faire se peut, quelques jalons historiques du conflit du Nagorno-Karabakh.

 

Le territoire actuellement évacué de sa population arménienne a été peuplé par celle-ci depuis au moins le 4ème siècle après JC. Au fil des millénaires, l’Arménie a tantôt existé et fleuri, ou a été rayée de la carte par les invasions et les jeux politiques successifs. Cependant, si les contours cartographiques ont évolué, les Arméniens ont toujours vécu et prospéré en de nombreux points du Sud Caucase.

 

Quand Staline, Commissaire du Peuple, a redessiné la carte de la région, il a reconnu que la population de l’Artsakh aujourd’hui évacuée était arménienne à plus de 90%, et celle du Nakhitchevan azérie à 60% voire plus. Mais il a attribué l’actuel Artsakh à la toute nouvelle République Soviétique d’Azerbaidjan et enclavé le Nakhitchevan autonome en marge de la République Soviétique d’Arménie, revenant, sur un de ces coups de tête dont il était coutumier, sur son projet initial de faire l’inverse.

 

Bakou a eu à cœur au fil du temps d’"azériser" cette région, qui jouit pourtant du statut d’Oblast autonome du Haut-Karabakh. Des heurts ponctuels éclatent : pogroms à Shushi en 1920, massacres de Gandja/Kirovabad, Sumgait et Bakou en 1988 et 1990, avant la chute de l’URSS. La dissolution de l’empire communiste a permis l’exacerbation de ces conflits régionaux, mais elle a aussi inspiré les Arméniens à revendiquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cette aspiration très légitime entre alors en conflit avec le droit international, qui précise que le territoire du Nagorno-Karabakh fait partie de l’Azerbaidjan. Il n'est nullement étonnant dans ce contexte légal qu'aucune des nations au monde, pas même l'Arménie, ne reconnaisse la République d'Artsakh.

 

Fin août 1991, l’Azerbaidjan déclare son indépendance, suivi le 2 septembre par l’Artsakh, et le 21 septembre par l’Arménie. La guérilla qui sommeillait dans les montagnes se transforme alors en une guerre longue et sans merci entre Azerbaidjanais et Arméniens du Karabakh. Les deux jeunes nations sont épaulées au fil des six années qui suivent par d’autres acteurs.

 

Si la Russie et la Grèce aident l’Arménie, la Turquie, le Pakistan, l’Ukraine et Israël soutiennent l’Azerbaidjan. Des ethnies du Sud de la Russie se précipitent aux côtés de Bakou : Tchétchènes musulmans, par exemple, ainsi que d’autres ethnies musulmanes présentes au Nord Caucase. Des Loups-Gris turcs, des volontaires djihadistes.

 

Côté arménien, un fort sentiment nationaliste est le moteur de la conquête des territoires, dont le symbole quasi immortel reste Monte Melkonian, toujours appelé Monte aujourd'hui encore, ce révolutionnaire arménien né en Californie qui repose à Yerablur depuis sa mort au combat, et a l'aura d'un Che Guevara. Des volontaires d’Ossétie du Sud, et des mercenaires de la CEI (Communauté des Etats Indépendants qui a succédé à l'URSS sans grande conviction à l'époque Yeltsine) prêtent main forte à l’Arménie qui gagne en 1994 cet âpre conflit, le plus long de l’époque post-soviétique, le plus meurtrier aussi – avant la guerre en Ukraine. Wikipedia cite beaucoup de chiffres, difficiles à confirmer avec exactitude. 6000 morts, 20000 blessés côté arménien, 30000 morts, 50000 blessés selon la fourchette haute côté azerbaidjanais. Aucune instance internationale n’a pu opérer un décompte exact des victimes, d’où l’imprécision statistique.

 

L’Azerbaidjan s’incline, mais en sus de l’Artsakh stricto sensu, il doit céder sept districts destinés à servir de zone tampon entre les deux puissances régionales et à garantir un statu quo. Ces sept districts sont peuplés indistinctement d’Arméniens et d’Azéris, mais comportent d’indéniables traces du christianisme arménien. Cette cession territoriale implique des déplacements de population azérie. De nombreux habitants, notamment au Karvachar/Kelbajar brûlent leurs maisons avant de fuir. Une intense frustration côté azebaidjanais née de cette défaite contribue à l’élaboration d’un narratif revanchard. L’Azerbaidjan, dirigé par Heydar Aliyev, le père d’Ilham Aliyev, Président actuel, reste traumatisé par la défaite et notamment lesdits « Massacres de Khojaly » perpétrés par l’armée arménienne. Par honnêteté intellectuelle, nous pouvons constater là encore, que les chiffres diffèrent selon les sources et sont largement exploités par l’Azerbaidjan pour expliquer leurs attaques réitérées. Étant donné l'imprécision des sources et l'absence d'instances internationales sur le terrain, les bilans trop précis sans cesse revendiqués par l'Azerbaïdjan ne tiennent pas à l'examen attentif. Il convient cependant de prendre connaissance des sources diverses, notamment Wikipédia mais aussi la Baroness Cox, qui possède une grande expérience du terrain dans le Haut-Karabakh. Aujourd’hui encore, le discours azerbaidjanais est imprégné de cette idée de vengeance et se réfère sans cesse à des populations massacrées par les Arméniens, et déplacées de force. Si on ne peut nier les victimes civiles de la Première Guerre du Nagorno-Karabakh, des civils azerbaidjanais tués dans la regrettable action de Khojaly, il convient de garder à l’esprit que cette guerre fut longue et impitoyable également du fait des Azerbaidjanais et que l’idée de revanche était omniprésente en tous les soldats arméniens encore marqués par les pogroms récents et plus anciens.

Le 27 avril 2023, la Baroness Cox s'exprime ainsi devant la Chambre des Lords :

 

My Lords, I was present in Nagorno-Karabakh many times during the war in the 1990s and can testify to the reality of events at Khojaly, a town used by the Azeris to fire so many missiles on the capital, Stepanakert, that it would have been annihilated if the Armenians had not taken control of Khojaly. They gave advance notice of their attack and requested that the Azeris allow civilians to evacuate. When the attack began, they saw Armenian civilians still present. They stopped fighting and asked the Azeris to allow safe passage, but Azeris mingled with Armenians and both sides suffered deaths. The Armenians gave the Azeris permission to collect their dead, but the Azeris mutilated captured Armenian prisoners.

 

Is the Minister aware of the Azeri bias in much of the media coverage of the Karabakh war, not only on Khojaly but on other events, such as the massacre by Azerbaijan at the nearby village of Maraga? I visited Maraga many times. I went first when the homes were still burning. The charred remains of corpses and the vertebrae of beheaded Armenians were still on the ground. Does the Minister agree that rewriting history has serious implications for future developments in the countries involved?

Le Génocide de 1915 précédé par les massacres de 1894-96 dans ce qui était alors la Grande Arménie continue aujourd’hui comme dans les années 90, à juste titre, de hanter tous les esprits arméniens.

 

Crédit photo n.c. - Monte Melkonyan

Crédit photo n.c. - Monte Melkonyan

Entretemps, aucun traité de paix n’est signé, ce qui est toujours le cas aujourd'hui. La moindre étincelle suffirait à allumer une nouvelle guerre.

Elsa Vidal, directrice de RFI en langue russe, souligne sur la Cinq dans C dans l’air que plusieurs négociations prêtes à aboutir sur un véritable accord ont échoué au dernier moment, à la suite de la démission de responsables arméniens – dont certains sont originaires d’Artsakh - prêts à signer un document, mais désavoués par leur pays.

Des échauffourées ponctuelles émaillent la ligne de contact entre 1994 et 2016, quand le conflit se réveille subitement le 2 avril et, en quatre jours, occasionne de nombreuses victimes arméniennes, notamment des blessés gravement mutilés - j'ai rencontré quelques uns d'entre eux à Yerablur en avril 2019. Restent dans les souvenirs les massacres de Talish, village tombé aux mains des Azerbaidjanais puis repris par l’armée arménienne.

 

Les commentateurs les plus éclairés de la situation actuelle soulignent très pertinemment que la guerre de 2020 et l’attaque de septembre 2023 sont le fruit d’un instant opportun que l’Azerbaidjan réarmé, tant au niveau des moyens humains que d'un arsenal de très haute technicité, a su judicieusement évaluer.

Ainsi, la crise Covid, les tergiversations politiques internes à l’Arménie, la veille des élections américaines ont créé le moment favorable pour une offensive de grande envergure le 27 septembre 2020.

De même, les décisions politiques de Nikol Pashinyan en 2023, le jeu d’alliances internationales tant politiques que commerciales, voire stratégiques et militaires (Ursula von der Leyen et les accords gaziers, Israël contre l’Iran) et la redistribution des pions sur l’échiquier mondial ont créé les conditions d’une guerre délibérément dirigée contre les civils arméniens tant de Stepanakert que des villages (43% de la population est rurale), déjà très affaiblis par le blocus du Corridor de Latchin imposé par l’Azerbaidjan sourd aux revendications internationales limitées à des injonctions, des paroles, mais non des actes concrets à l'image des paquets de sanctions pris contre la Russie dès le 24 février 2022.

Notons enfin que depuis 1994, l’Azerbaidjan aux mains du clan Aliyev, a su émerger de la pauvreté grâce aux richesses naturelles dont il dispose, gaz et pétrole. Une soigneuse politique de lobbying à l'étranger, alliée à une position géographique stratégique a permis de s’assurer de précieuses connivences internationales auxquelles les pays bénéficiaires ne sauraient renoncer, tant les avantages sont nombreux.

La communauté internationale, et notamment l’Europe et la France, très concernées par leurs accointances azerbaidjanaises, sauront-elles renoncer aux privilèges conférés par ces amitiés, et éviter que l’Arménie, menacée non pour ses richesses, mais par sa situation géographique de carrefour à la croisée des empires, ne soit irrémédiablement rayée de la carte du monde et ses habitants sacrifiés sur l'autel de la Realpolitik pure et dure ?